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mercredi 4 janvier 2012

Mohammed Boubakeur parle... De Papon, de ses droits sur la Mosquée de Paris et des Tartuffes de l'islam / 2ème partie


C’est à nouveau un texte tout à fait exceptionnel que Monsieur Mohammed Boubakeur, nous a invités à publier sur notre blog ; texte qui est le résultat d’un travail de recherche non moins exceptionnel qui vise, à chaque instant, à emporter la conviction des lecteurs et à garantir que les informations ainsi que  les révélations présentées, ne puissent être sujettes à aucune controverse. Il s’agit en effet pour l’auteur, de ne pas donner la moindre chance aux nombreux détracteurs, en particuler nos pitoyables "Tartuffes de l'islam", toujours positionnés vilement dans les starting-blocks des abaissements et prêts à servir leurs maîtres, de pouvoir trouver une quelconque information qui ne serait pas vérifiable et ce, document historique à l’appui!

C’est cette exigence morale qui donne aussi toute sa valeur à cet impressionnant travail historique sur un sujet qui n’a jamais cessé d’être d’actualité dans ce pays, eu égard au fait que dès lors qu’il s’agit d’humilier l’islam et les musulmans tous les coups sont permis, y compris les plus amoraux! A cet égard, Monsieur Mohammed Boubakeur écrit très justement à l’encre rouge, «  le panier à salade est l’enceinte naturelle des discussions entre l’Etat Français et le musulman, dès lors qu’il ne présente plus d’intérêt, quels que soient les périls et les renoncements qu’il s’est imposé pour se faire accepter de lui. »

Nous remercions chaleureusement Monsieur Mohammed Boubakeur, pour ce travail intellectuel d’une très grande rigueur qui permet aux musulmans que nous sommes, de toujours mieux comprendre et ce, à travers un argumentaire qui s’appuie sur le fait historique, l’indigne processus de stigmatisation de l’islam et des musulmans objectivement observables depuis toujours et chaque jour plus odieusement, dans notre pays!

Merci à vous Monsieur, 

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Envoyé par l'auteur pour publication
par Mohammed Boubakeur



Les documents produits dans cet article et celui qui le suivra prochainement proviennent des Renseignements Généraux et de la police. Celui présenté ci-dessous est signé par Papon, criminel devant l’Humanité, ainsi que jugé par la justice de son pays. Ce sont des documents historiques datant de 1966. Certains sont commentés par des fonctionnaires en contact immédiat avec Maurice Papon, alors préfet de police.


On verra que dans l’action qui se prépare contre mon père, en vue de l’expulser de la mosquée de Paris, Papon signera les derniers documents.

Papon indique à son ministre qu’il entend être personnellement consulté pour la nomination d’un nouveau directeur de la mosquée de Paris !
(Papon dit : « me consulter », souligné par le destinataire de la lettre)

Ce qui lui est accordé avec la mention : « bien volontiers ».

(On remarquera la faute de grammaire commise par Papon dans les quelques mots manuscrits en toute fin de ce courrier et qu’on analysera).


Document 1.
Cliquez sur les documents pour les agrandir

(Ce document, très significatif pour ce qui concerne la gestion policière de l’Islam en France, est reproduit en taille réelle à la fin de l’article pour faciliter sa lecture).

L’expulsion de mon père hors de la Mosquée de Paris qui est envisagée dans cette lettre devait se faire en application des articles 539 et 718 du code civil, portant sur la dévolution des biens vacants et sans maître. En effet, on avait enfin constaté, que la Mosquée de Paris n’appartenait plus à personne depuis la mort de son fondateur, Abdelkader Ben Ghabrit, le 23 juin 1954 (douze ans s’étaient alors passés !).

Les forces de police étant sollicitées, c’est exactement la même procédure qui est observée avec Hamza Boubakeur que celle utilisée en 1957, avec son prédécesseur, Ahmed Ben Ghabrit. Mais dans le cas présent, la Mosquée de Paris aurait été purement et simplement confisquée.

Car le panier à salade est l’enceinte naturelle des discussions entre l’Etat Français et le musulman, dès lors qu’il ne présente plus d’intérêt, quels que soient les périls et les renoncements qu’il s’est imposé pour se faire accepter de lui.

Rappelons qu’Ahmed Ben Ghabrit fut un serviteur zélé des intérêts de la France (mais de faible envergure) et que mon père s’était donné corps et âme pour son maintien en Algérie.

L’opération n’a échoué que de très peu, en raison du refus du ministre de l’économie et des finances de l’époque, Michel Debré, de s’associer à cette action. En effet, tombant dans le domaine de l’Etat, la Mosquée de Paris devait être prise en charge par un fonctionnaire de ce ministère avec les obligations financières qui en découlaient. Fort heureusement pour Hamza Boubakeur, Michel Debré, farouche partisan de l’Algérie Française et plus encore d’un Sahara Français, se souvenait de l’appui inconditionnel de mon père à ses idées. D’ailleurs, Debré lui avait fait l’amitié de le recevoir aussitôt ses fonctions prises en 1965, en souvenir de ce rêve.

Ces faits sont également consignés par Monsieur Boyer dans son ouvrage « L’institut musulman de la mosquée de Paris » (éditions CHEAM - pages 44 et 45).

Hamza Boubakeur a eu connaissance de ce dossier et du rapport des Renseignements Généraux qui l’accompagnait. Il en avait le droit. Il en a eu la transmission par une amitié saharienne, bien introduite dans les milieux politiques français. Parce qu’il ne voulait pas croire à une pareille traîtrise. Ce coup de poignard dans le dos, ourdi par le gouvernement français, malgré une fidélité mille fois témoignée, lui apporta la preuve qu’il n’était « qu’un sous-homme » et « un cocu de l’histoire », comme le dira G. Frèche, en toute impunité.

Il y a environ 15 ans, peu après la mort de mon père, cet ami qui m’en a remis copie. Il m’affirmé que ces documents étaient à l’origine de sa volonté de se détacher de la France et se rapprocher de l’Algérie. De fait, pendant l’été 1967, ayant connaissance des écrits précités et après que l’Etat Algérien ait essuyé une nouvelle défaite judiciaire dans ses tentatives de récupérer la mosquée, Hamza Boubakeur, se sentant en position de force, dépêchait à Alger un émissaire, l’avocat Maître Billiémaz.

Maître Billiémaz avait la tâche délicate de prendre contact avec le gouvernement Algérien et d’examiner les moyens de placer la mosquée sous son obédience. Grâce à l’habileté de l’homme de loi, ce premier contact qui surprit au plus haut point les autorités Algériennes, fut assez positif.
Toutefois, Maître Billiémaz, avec réalisme, avait souligné que la guerre d’Algérie était trop proche pour que le projet puisse être favorablement conclu. Quelques mois plus tard, mon père se rendait secrètement à Alger pour relancer l’affaire, mais, comme l’avait prévu l’avocat, le refus du Président Boumediene de traiter avec lui retarda son aboutissement jusqu’en 1982.

Les documents que je produis sont à l’origine d’une politique de ressentiments que Hamza Boubakeur observa à partir de 1967, faite d’outrages délibérés à des ministres en exercice, notamment :

-                          Maurice Schumann, ministre des affaires étrangères, à qui il reprochera « ses couscous amnistiants » (sic) pour avoir, lors d’un voyage de réconciliation au Maroc après l’affaire Ben Barka, serré la main à Oufkir, condamné à la réclusion à perpétuité par les Assisses de Paris ;

-                          Paul Dijoud, secrétaire d’Etat à l’immigration qui, selon ses dires, « n’avait pas la moindre notion de ses dossiers » ;

-                          Jacques Dominati, secrétaire d’Etat missionné spécialement pour son éviction par Giscard d’Estaing et qu’il appelait « Dominati » pour s’adresser à lui ;

-                          Pour finir dans une confrontation directe avec Giscard d’Estaing auquel il adressera une lettre personnelle, en 1981, pour lui exprimer sa satisfaction de le savoir « foutu dehors » (sic).

En ces dernières années de présence à la mosquée de Paris, mon père, fatigué de la France, et des français, refusa par avance la promotion dans l’ordre de la légion d’honneur qui lui avait été annoncée et à laquelle il devait accéder après avoir été au grade de base pendant 25 ans.

Mais ce désastre personnel était tellement grand que Hamza Boubakeur refusait de se rendre à l’évidence. Avec une naïveté déconcertante, il croyait que ces marques d’hostilité envers des gouvernements français de droite étaient autant de services rendus à la gauche française et qu’elle lui en serait reconnaissante lorsqu’elle l’emporterait.

Comme s’il y avait vis à vis des musulmans, une France de droite et une France de gauche…

Car il était simplement manipulé par Mitterrand et ses amis dans ses hostilités envers Giscard d’Estaing, notamment par Pierre Bérégovoy et surtout Gaston Deferre qui le félicitait chaleureusement et par écrit à chacune de ses incartades. Devenu ministre de l’intérieur, Deferre l’éconduit immédiatement dans ses espoirs puis lui supprima toute subvention, ce que les partis de droite n’avaient jamais envisagé. Quant à Bérégovoy, il ne prenait plus ses appels téléphoniques...

Pour Deferre, pour Bérégovoy, comme pour l’ensemble des socialistes français et plus largement, pour l’ensemble de la classe politique française, il était un « sous-homme » et un « cocu de l’histoire », selon les termes si bien choisis par G. Frèche, afin que les musulmans comprennent une bonne fois pour toutes, qu’ils ne sont aimés des français que massacrés à leur place.

Mon père avait mis 70 ans pour comprendre que renier ses origines n’était pas suffisant pour mériter la considération des français.

Nonobstant leur valeur historique, les documents ici produits sont de nature administrative, NOMINATIFS et FAISANT GRIEF A UNE SITUATION PERSONNELLE. Il est donc accessibles à la personne en cause, c'est-à-dire mon père.

Par ailleurs, les règles de transparence administrative les rendent communicables à toute personne qui en ferait la demande. On notera que Monsieur Boyer en a eu, à l’évidence, une très large connaissance pour écrire son livre « L’institut musulman de la mosquée de Paris ».

Pour ce qui me concerne, étant héritier reconnu de Hamza Boubakeur, je suis directement concerné par ces documents sur lesquels j’ai des droits.

Pour rédiger cet article, j’ai procédé à de longues recherches sur Internet pour recouper et comparer les documents dont je disposais avec les écrits et les témoignages de différents auteurs. J’ai découvert des références très sûres qui confirment point par point les éléments que je voulais faire connaitre.

Cependant, ma surprise la plus grande fut de trouver des écrits nouveaux qui donnent aux informations que je voulais apporter, une dimension que j’ignorais moi-même jusqu’à cet instant.

Bien entendu chacun de ces constats et chacune de mes conclusions sera accompagné des preuves matérielles correspondantes. Le lecteur restera libre de se construire une opinion.

Aussi cet article, en raison de ses développements imprévus se composera de 3 parties :

Une première partie destinée à rappeler le contexte des temps ;

Une deuxième partie consacrée à mes toutes dernières recherches sur Internet portant sur certaines individualités troubles qui ont eu, à la mosquée de Paris, la charge de la politique musulmane française. Je m’attacherai dans cette partie à démontrer la ruine intellectuelle et la vulgarité personnelle de ces tartuffes de l’Islam.

Une troisième partie qui portera véritablement sur l’examen des documents relatifs à l’expulsion en cause. Cette troisième partie sera publiée dans un très prochain article en raison du nombre élevé des preuves documentaires apportées dans celui-ci. La lettre signée de Papon réclamant un recteur à sa convenance sera toutefois présentée en taille réelle, pour servir de conclusion à mes présents écrits et annoncer les prochains. 


PREMIERE PARTIE : LE CONTEXTE DES TEMPS.

L’ACTUALITE.

Les faits ici rapportés se déroulent à la fin de l’année 1965, alors que l’affaire Ben Barka éclabousse l’Etat français en révélant l’assassinat d’un opposant marocain sous protection française.

Le malheureux n’était pas le premier ni le dernier musulman à payer de sa vie sa confiance en la France.

Ce crime était préparé par des membres de diverses polices parallèles françaises, faites de barbouzes, de membres du SAC et de truands afin d’offrir au criminel Oufkir, les moyens d’assassiner l’un de ses compatriotes, Mehdi Ben Barka. Figon a décrit minutieusement ces faits et l’a probablement payé de sa vie.

Rappelons que Ben Barka a été enlevé devant la Brasserie Lipp où il avait rendez vous. Mais la victime était accompagnée d’un étudiant marocain. C’est ce témoin qui donna l’alerte en révélant que des cartes de police barrées de tricolore avaient été brandies devant la victime. Sans ce témoin, l’affaire Ben Barka n’aurait jamais existé et sa disparition passée sans encombres par les charniers de l’histoire coloniale française. Nous verrons les rapports de cette affaire avec les faits ici rapportés.

Dans cet univers où tout le monde surveillait tout le monde, où tout le monde trahissait tout le monde et où les coups de feu et autres « suicides » allaient bon train (on rappellera le « suicide » de Figon), le statut juridique de la mosquée s’était à la fois clarifié et consolidé.

LA SITUATION JURIDIQUE DE LA MOSQUEE DE PARIS EN 1965.

Le jugement rendu en 1963 par le Tribunal Administratif saisi par Ahmed Ben Ghabrit, le prédécesseur de Hamza Boubakeur, avait rappelé que le gouvernement français n’avait pas le droit d’intervenir dans les affaires de la mosquée de Paris.  

A l’appel fait par la partie perdante (l’Etat français) devant le Conseil d’Etat, la haute juridiction confirme le jugement rendu en première instance. Toutefois, dans ses considérants, elle reçoit les arguments de la nouvelle Société des Habous créée de toutes pièces par mon père, comme je l’ai démontré dans mes précédents articles. Par les considérants précités, la nouvelle Société des Habous, propriétaire de fait de la mosquée de Paris se trouve implicitement reconnue par la plus haute instance judiciaire française.

Voici donc la mosquée de Paris avec des statuts avalisés par le Conseil d’Etat et son recteur affermi dans sa situation. Il en profitera pour préserver sa victoire et préparer une nouvelle bataille, celle engagée par le gouvernement Algérien qui fabriquera pour les besoins de sa cause, une 3e Société des Habous, sur le modèle de celle inventée par Hamza Boubakeur et tout aussi fausse (nous l’avons démontré, preuves à l’appui, dans un de nos précédents articles). Cette 3e société des Habous, avec à sa tête un certain Boutaleb, devait récupérer la mosquée de Paris devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.

Comment le gouvernement Algérien a-t-il pu espérer que cette juridiction pouvait entrer dans son jeu et contredire ainsi le Conseil d’Etat ? Sans doute pour appuyer l’action politique engagée concomitamment devant le gouvernement français. En tout cas, c’est ainsi que mon père le comprit. On verra quelles furent les mesures prises pour répondre à ce deuxième front bien plus redoutable que le premier.

L’ENVIRONNEMENT HUMAIN.

Ne laissant rien au hasard Hamza Boubakeur s’attacha à consolider sa présence à la mosquée sachant par expérience que les gouvernements français ne se sont jamais embarrassés de considérations de droit ni de forme dans leur conduite envers l’Islam.

Parmi les collaborateurs qui l’entouraient, deux ont retenus mon attention, pour des raisons diamétralement opposées.

Le criminel des DOP.

Nous avons donné les références nécessaires à son identification dans un de nos précédents articles. Il n’est donc pas nécessaire de s’attarder sur ce fumier humain dont se régalait le colonialisme français.

Hamza Boubakeur devait assurer sa tranquillité du côté d’un personnel toujours prompt à rejeter son autoritarisme maladif. Ne s’embarrassant pas de scrupules, il avait engagé comme surveillant cet ancien tortionnaire musulman de l’armée française en Algérie. L’individu avait fait partie des DOP (détachements opérationnels de protection) et terrorisait le personnel de la mosquée par ses propos obscènes et ses bagarres incessantes.

Si Mohammed Bel Mokhtar.

En qualité de responsable des affaires religieuses et en des circonstances durant lesquelles l’attachement de la communauté était primordial, un homme compétent et de haute moralité était indispensable. Si Mohammed Bel Mokhtar, d’origine kabyle répondait à ces qualités. Il était d’une culture religieuse très grande. Ainsi fut-il fait mufti de la mosquée de Paris et Grand Mufti de France à la fin de l’année 1962.

Jamais ce titre ne fut porté avec plus de mérite et de dignité. D’autant que Si Mohammed Bel Mokhtar contrastait fort avec son prédécesseur, Mohammed Baba Ameur, grand mufti d’Alger et de Paris pendant la colonisation et dont nous avons récemment parlé.

Si Mohammed Bel Mokhtar fut donc aux côtés de mon père tout le temps que durèrent ses démêlés judiciaires. C’était un homme apprécié des fidèles pour son humanité. Son abord était facile et son autorité incontestable. A la mosquée, il n’avait nul besoin d’élever la voix pour se faire obéir, à l’opposé de mon père pour qui les cris étaient une véritable drogue.

De santé précaire, le saint homme fut emporté par un malaise, un vendredi du mois de juillet 1969, avant la prière du D’hor, au cours de ses ablutions. Ce qui fit dire aux fidèles bouleversés qui l’attendaient dans la salle des prières, qu’il s’était préparé lui-même à comparaitre devant son créateur.

Mon père fut très affecté par sa disparition. J’avais remarqué le respect qu’il lui avait toujours témoigné et que j’attribuais à la sainteté de cet homme, totalement détaché des vanités de ce monde et d’une société française qu’il savait mauvaise pour l’Islam.

Pour des motivations totalement désintéressées, liées au courage, à la fidélité et au refus d’abandonner un homme dans la tourmente, Si Mohammed Bel Mokhtar fut pour mon père le soutien le plus sûr, le plus déterminant et aussi le plus indulgent dans son combat pour garder la mosquée de Paris. Mon père ne l’a jamais caché quand il évoquait, avec son souvenir, les mots choisis par Si Bel Mokhtar pour lui redonner courage aux moments les plus durs. A sa demande, Si Bel Mokhtar prit le titre de « directeur » de la mosquée, fonction attaquée par le gouvernement algérien pour qu’il puisse s’attribuer celui de « Recteur » créé en ces heures difficiles.

C’est ici que se trouve l’origine du titre « Recteur de la mosquée de Paris » élaboré comme une deuxième ligne de défense et qui aurait permis de relancer la procédure si l’évolution judiciaire des choses avait été défavorable. Ce titre est toujours en vigueur aujourd’hui. Le titre de « directeur » n’ayant plus jamais été attribué depuis la disparition de Si Mohammed Bel Mokhtar.

En réalité, Si Mohammed Bel Mokhtar n’a jamais été vraiment remplacé dans les fonctions religieuses de Grand Mufti de France.

Puissent ces lignes rappeler à la mémoire des musulmans de France, Si Mohammed Bel Mokhtar, saint homme de notre communauté qui fit honneur à notre religion dans la discrétion, l’abnégation et le mépris d’une société française qu’il avait jugée et dont il s’est tenu dignement à l’écart.

DEUXIEME PARTIE : LES AMITIES SECRETES.

LE FAUX DÉVOT

Je veux parler de l’immédiat prédécesseur de Si Mohammed Bel Mokhtar, le nommé Mohammed Baba-Ameur, mufti des années 1959 à 1962 dans les capitales d’Alger et de Paris.

En 1965, il avait quitté la mosquée de Paris depuis près de 3 ans pour retourner en Algérie. Toutefois Baba Ameur devait conserver son importance pour Hamza Boubakeur par les renseignements en provenance directe du dispositif algérien monté contre lui.  

Afin de l’expliquer, il faut préciser les conditions dans lesquelles Baba Ameur apporta sa collaboration à la mosquée de Paris pendant la guerre d’Algérie.

Pour la commodité de nos lecteurs nous reproduisons ci-dessous des éléments déjà présentés lors de notre précédent article et qui établissent les attributions de ce personnage à la mosquée de Paris.



Document 2.

On retrouve sa trace sur Internet en sa qualité de grand mufti d’Alger, comme membre d’honneur de la société des concerts du conservatoire d’Alger (l’opéra d’Alger).



Document 3.

Etrange privilège pour le seul musulman, au surplus grand mufti d’Alger, figurant sur un programme de musique légère, au milieu d’une harde réunissant entre autres noms honnis de la colonisation et de l’OAS, ceux de Salan et de Blachette.

Nous avons expliqué dans notre précédent article que dans ce comité, Mohammed Baba Ameur faisait figure d’arabe de service et avait été élevé à un rang équivalent à celui de « colon d’honneur » par les français d’Algérie.

soutien-palestine.blogspot.com/.../ Mohammed-boubakeur-parle-le-17...En cache
+1 publié par vous pour ce contenu Annuler 20 nov. 2011Ajoutons qu'en ces moments où les musulmans étaient torturés à Alger, noyés à Paris et pourchassés partout ailleurs, le mufti Baba Ameur, ...

Il s’agit d’une procédure classique des régimes racistes et nous avions cité à titre d’exemple le cas de l’épouse juive de Fernand de Brinon, ambassadeur de France à Paris sous l’occupation, faite « aryenne d’honneur » par les nazis pour les besoins de la cause pétainiste.

Aussi le caractère mondain de ce document ne peut empêcher d’associer le mufti Baba Ameur à ce clergé chrétien de tradition salonarde et de mémoire honteuse, tels le cardinal de Rohan, Talleyrand, évêque d’Autun ou Wolseley, archevêque de Canterbury et bien d’autres dont on remplirait des trains entiers, autant aujourd’hui que par le passé.

COLONIALEMENT VOTRE…

Dans ce même registre, les archives télévisuelles de l’INA montrent Baba Ameur en 1949, aux côtés de la femme du gouverneur général Naegelen, lors d’une célébration du Mouloud à la mosquée Sidi Abderrahmane d’Alger, très colonialement transformée en rencontre entre gens du monde. On voit la femme Naegelen, chapeau à plume sur la tête et manteau bien chaud sur le dos, accompagnée de quelques amies. Elles se pavanent au milieu de malheureux de confession musulmane, couverts de haillons par leur mère à tous : la France.

Vidéo Ina - la fête du Mouloud à Alger, Vidéo la fête du ...www.ina.fr/video/AFE02000045/la-fete-du-mouloud-a-alger.fr.htm ... BONNE, LAYEC accueillie par le grand Muphti BABA AMEUR - GPP d'un soldat ... cimetière musulman, en présence de Madame NAEGELEN (plusieurs plans).

La femme Naegelen était là pour les assurer de sa compassion et on y verrait une bonne chrétienne visitant ses pauvres.

Sauf que le conjoint Naegelen était un grand spécialiste des fraudes électorales en Algérie, de 1948 à 1950 et qu’il faisait notamment arrêter avant et au cours des élections tous les candidats musulmans en position d’être élus (Wikipédia). Pour faire simple : tous ceux qui ne plaisaient pas à ses copains des colons parce qu’ils voulaient améliorer le sort des déshérités objets des sollicitudes hypocrites du ménage Naegelen.

On consultera avec intérêt la référence Internet suivante, même si elle est très indulgente :


Des références moins complaisantes et plus justes sont diffusées par des auteurs étrangers et plus particulièrement Algériens.

Telles étaient les filouteries médiatiques auxquelles s’associait Baba Ameur à la mosquée Sidi Abderrahmane d’Alger, lors des fêtes musulmanes, en Algérie Française.   

MOHAMMED BABA AMEUR A LA MOSQUEE DE PARIS (1959 – 1962).

J’ignore les raisons de l’arrivée de Baba Ameur à la mosquée de Paris en 1959, mais je fus très vite surpris par l’état de subordination dans lequel mon père se plaçait en sa présence. Il ne lui parlait qu’avec la plus grande déférence et usait avec lui des manières les plus obséquieuses.

Il avait même donné un emploi de niveau hiérarchique élevé à son fils qu’on devait appeler « Sid Ali ». Ali était un bon à rien. C’était surtout un faible d’esprit qui, à la fleur de l’âge, ne pouvait trouver de raisons d’exister ailleurs que dans les braies de son père.   

Hamza Boubakeur l’avait fait venir à Paris comme « secrétaire ». Il était installé dans la plus belle habitation de la mosquée avec accès direct sur un jardin privé. Son père n’occupait qu’une faible partie de ce logement, lorsqu’il n’était pas Alger.

J’éprouvais vis-à-vis de ce vieillard prétentieux une répulsion instinctive. Voir mon père si prévenant vis-à-vis de la bande Baba Ameur me révoltait, tant sa propre maison servait de déversoir à ses cris, à sa violence et à sa grossièreté. Au point de perturber ma scolarité.

Il n’était pas un seul des voyages de mon père dans les années 1959 à 1962, sans qu’il ne rapportât un cadeau de valeur aux Baba-Ameur qu’il nous faisait immédiatement déposer à leur habitation, telle une offrande.

Je me souviens de sa femme Douja. Son intempérance alimentaire doublée des largesses coloniales dont son conjoint profitait, l’avait frappée d’une obésité véritablement pernicieuse. La seule fois où elle voulut prendre un avion pour Alger, elle dut en redescendre, en raison de la taille insuffisante des sièges pour qu’elle s’y asseye. Elle en avait été mortifiée et l’avait raconté comme pour évacuer ce souvenir.

Par un mécanisme humain dont on ne peut suivre la logique, cette malade compensait son infirmité par sa médisance et des propos si sots qu’on aurait pu croire sa cervelle perturbée.

Ma mère refusait de la recevoir en raison des ragots qu’elle colportait et de la stupidité de ses discours : malgré sa maladie et pour fanfaronner devant elle, ne s’était elle pas comparée à Farah Diba dont le mariage avec le shah d’Iran faisait la une de tous les journaux ?

Et que dire de l’attitude de mon père devant la progéniture de deuxième génération de Baba Ameur, c'est-à-dire les enfants d’Ali, à qui il accordait plus de considération qu’aux siens ?

Les enfants d’Ali étaient conduits le matin à l’école primaire Buffon pourtant très proche (environ 800 mètres) avec la voiture de service de la mosquée. Vers 8 heures 10, heure à laquelle je partais à pieds pour le lycée Henri IV, je les voyais, un peu plus bas, dans la rue Geoffroy Saint-Hilaire, monter dans la traction avant noire de la mosquée, conduite par le chauffeur en tenue, Paul Debrie.

Pourtant le vieux Baba-Ameur, d’apparence hirsute et largement blanchi par l’âge, n’avait rien de sympathique. Je ne l’ai jamais entendu s’exprimer autrement qu’en arabe. Pourtant mes recherches sur internet le décrivent comme un homme bien en cour auprès des autorités coloniales et évoluant dans des sphères où une parfaite connaissance du français était indispensable.

Preuve qu’il cachait bien son jeu car une référence très sérieuse et que nous étudierons plus loin affirme également : « Et le grand mufti, Baba Ameur, de formation juridique surtout, lui apparaît aux trois quarts occidentalisé….. ».

En réalité, avec mon père, rien n’était jamais gratuit, surtout quand il se faisait délicat et il faut bien se rendre compte qu’en ces temps de guerre d’Algérie, le poste de mufti d’Alger était un poste aussi sensible que celui de mufti de Paris. Or Mohammed Baba Ameur cumulait officiellement les deux (Document 2) ce qui démontre son importance politique pour les autorités françaises, aussi bien métropolitaines que coloniales.

Ne serait-ce qu’au regard des frais des déplacements incessants et coûteux que Baba Ameur effectuait entre Alger et Paris.

Notons que durant la bataille d’Alger, Baba Ameur était mufti d’Alger et que le 17 octobre 1961, il était encore « son éminence Baba Ameur, grand mufti d’Alger et de Paris » sans qu’il n’ait abandonné ses fonctions religieuses à Alger.
Le long des galeries de la mosquée, le fils Ali promenait sa dégaine inutile. C’était sa seule occupation. On remarquera que mon père se garde bien de lui confier la moindre responsabilité pendant ses absences (Document 2). Pourtant la déférence due à ce simple d’esprit était bien plus grande que celle réservée à Nourredine Ben Mahmoud ou à Mademoiselle Jacqueline Carriat dont les responsabilités sont mentionnées sur ce même document  (Document 2).

En son foyer, Ali était réduit à l’état de zombie par sa femme. On la voyait dans les rues du voisinage, fardée à l’excès et dans des jupes incroyablement serrées. Juchée sur des talons très hauts, elle se déhanchait pour se maintenir en équilibre sur ce matériel. La femme musulmane, telle que la souhaitent certains européens…

Ali scandalisait le personnel de la mosquée quand, pour répondre aux divagations de sa femme et aux caprices éhontés de ses rejetons, il décorait un sapin pour fêter Noël. On remarquera que le prêtre G. Anawati, cité plus bas, a rapporté la déclaration de Mohammed Baba Ameur qui se flattait d’avoir éduqué sa progéniture (dont Ali) « à la française ».

Dans la nébuleuse Baba Ameur, il fallait aussi compter un dénommé Mohammed Séraye. J’ignore son degré de parenté avec les Baba Ameur, mais il était souvent chez eux. A lui aussi, mon père avait donné un travail : il était guide. Ancien habitué des plages d’Alger, d’abord sympathique, il était de mœurs assez légères et se croyait d’un charme irrésistible devant la gente féminine des touristes, avec ses vêtements assez voyants, son calot assorti et sa moustache en pointe.

Et mon père acceptait tout cela alors qu’il ne tolérait aucun écart vis-à-vis de la religion, de la conduite personnelle ou de la tenue vestimentaire du restant de ses collaborateurs...

Il avait déjà chassé une secrétaire musulmane venue en pantalon et une autre, trop court vêtue. Il avait également chassé dans l’heure un employé du nettoiement qui s’était dissimulé dernière une colonne par peur de le saluer…. En ma présence, il avait éconduit sans ménagement un de ses collaborateurs, pourtant âgé, qui s’était présenté sans veste à son bureau en lui rappelant avec rage que le cabinet directorial n’était pas une enceinte de lutte. Et toujours devant moi, fut licenciée séance tenante une dactylographe en langue arabe d’origine libanaise, qui s’était adressée à lui sans dire « monsieur le Directeur ».

Avec les travers de caractère de Hamza Boubakeur, aucun des ses collaborateurs ne restait bien longtemps à la mosquée de Paris. Je m’étais amusé à compter la durée moyenne de présence de salariés avec lui. Elle était d’environ cent jours, si on comptait les personnes qui restaient quelques mois, voire quelques années et ceux qui ne faisaient, pour ainsi dire, qu’entrer et sortir.

Mais les Baba Ameur semblaient avoir reçu la mosquée de Paris en apanage à leur grandeur. Rien ne saurait mieux définir le comportement de mon père que celui d’un vassal devant ses suzerains. A leur vanité et à leur vulgarité, Hamza Boubakeur ne répondait que par une grande déférence et ne manquait jamais une occasion de rendre publiquement hommage à leur collaboration et à leur renom.

Quant à eux, ils recevaient comme un dû toutes ses marques de respect.

Le vieux Baba-Ameur avait-il recommandé la nomination de mon père à la tête de la mosquée de Paris ? Sa présence servait-elle de caution à son action ? Etait-il chargé de rendre compte de ses activités à la hiérarchie du Gouvernement Général qui l’avait placé à la tête de la mosquée de Paris ? Je n’en sais absolument rien.
Mais l’attitude servile de Hamza Boubakeur vis-à-vis de cette clique hautaine et méprisante avec tout le monde, famille Boubakeur comprise, est incompréhensible sauf à admettre un poids politique considérable accordé au vieux Baba Ameur par les autorités françaises pendant la guerre d’Algérie.

Le vieux Baba Ameur quitta la mosquée de Paris en juillet 1962. Dans l’euphorie d’une paix retrouvée, l’homme pensait que sa renommée héritée de la colonisation et son entregent lui assuraient en Algérie indépendante un avenir à la mesure de ses espérances.

L’INDIC.

Dans la logique des faits et des honneurs ci-dessus décrits, Baba Ameur fut sérieusement inquiété par les nouvelles autorités algériennes pour ses activités du temps des français. Puis il fut embrigadé en qualité d’ancien mufti de la mosquée de Paris, dans l’association « Boutaleb » créée pour récupérer cet établissement devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.

En 1965, malgré le profit et les honneurs tirés de la mosquée de Paris pendant la guerre d’Algérie, (son salaire devait être en rapport avec les égards qui lui étaient prodigués, sans compter celui complaisamment versé à son fils), Baba Ameur se trouvait donc intégré au dispositif algérien dressé contre Hamza Boubakeur afin de cautionner moralement les attaques lancées contre une mosquée où il avait officié pendant des années !

En l’apprenant, j’ai cru que le vieux Baba Ameur sortait d’un camp de rééducation ou qu’il avait subi un lavage de cerveau. Dans les faits, sa pitance en Algérie indépendante lui avait été simplement concédée au prix de cette autocritique religieuse. 

Malgré cette trahison apparente, Hamza Boubakeur, ne tint pas rigueur de Baba Ameur. Au contraire, il n’en parlait qu’avec aménité et conservait avec lui des relations aussi suivies que discrètes.

Il est facile de comprendre que le vieillard publiquement humilié et désireux de se venger, devint pour Hamza Boubakeur un indicateur inespéré au plus profond du dispositif qui devait le faire expulser de la mosquée.

Comment les autorités Algériennes ont-elles pu commettre une erreur aussi grande en plaçant au cœur même de leur dispositif offensif un être aussi compromis dans les affaires de leur adversaire ?

La volonté gouvernementale algérienne d’utiliser au mieux le nom de Baba Ameur présenté par la France, elle même, comme une autorité de l’Islam paraît certaine. Surtout dans une affaire jugée par un tribunal français. Mais avec un être de cette nature, ce fut une grave erreur.  

LES EFFETS INATTENDUS D’UNE BIBLIOGRAPHIE.

Pour autant, le vieux Baba-Ameur trahissait-il gratuitement ses nouveaux maîtres ?

J’eu la preuve du contraire pendant l’été 1971, alors que je venais de terminer mes études et que j’avais entrepris, par l’intermédiaire de mon oncle maternel, Abderrahmane Kiouane, alors Directeur Général de la Fonction Publique en Algérie, de me rapprocher de la Pharmacie Centrale Algérienne pour rejoindre ses services.

Ce que je fis en 1975 après avoir engagé mon premier doctorat. Mon contrat a été signé en juin 1975 et j’ai rejoint mon poste le 1er septembre de la même année à l’Unité de recherche pharmaceutique et de mise au point des médicaments d’El Harrach.

Document 4.

En cet été 1971, mon père avait tenu à me rembourser ce voyage en particulier, alors que tous mes autres voyages en Algérie provoquaient de violentes disputes entre nous et il ne me venait même pas à l’idée de lui en demander l’argent. Il m’avait alors remis une grosse enveloppe qu’il me disait contenir la bibliographie de sa traduction du Coran à paraître. J’étais chargé de la donner au vieux Baba Ameur pour avis.

Il savait que mon oncle viendrait me prendre à l’aéroport pour me faire passer sans encombre le contrôle aux frontières, en raison du nom que je portais et du passeport français que je présentais.

Je passais à nouveau facilement la frontière et je me rendais quelques jours plus tard au domicile du vieux. Pour la première fois, depuis 10 ans, je revoyais le fils Ali. Il habitait toujours chez son père.

Il était dans la rue, l’air toujours aussi demeuré. Il m’attendait tout en s’affairant sous le capot d’une Dyna Panhard délabrée, un modèle de voiture qu’on ne voyait plus depuis longtemps, même en Algérie. Qu’il était loin le temps où l’imposante traction-avant noire de la mosquée de Paris avec chauffeur en casquette attendait devant sa porte ses gosses mal élevés pour les conduire vers une école distante de quelques centaines de mètres !

Il me conduisit auprès du vieux Baba-Ameur qui avait maigri. Il avait aussi beaucoup perdu de sa superbe. Dans le flou des souvenirs, je crois avoir appris que la femme Douja, avait succombé à son mal et que le fils ainé d’Ali faisait son service national dans le cadre de la météo algérienne.

Quand le vieillard famélique ouvrit l’enveloppe, son visage s’illumina comme un soleil. Jamais je n’aurais cru qu’une bibliographie regardée par l’épaisseur de sa tranche eût des effets aussi inattendus...     


L’HONNEUR PERDU DE MOHAMMED BABA AMEUR.

Georges Chehata. Anawati (1905 – 1994).

Hamza Boubakeur prétendait que Baba Ameur était un savant de l’Islam. J’ai interrogé bien des gens versés dans la foi musulmane, Mohammed Baba-Ameur est, en ce domaine, un inconnu. Il n’a laissé ni livre, ni exégèse, ni idée qui témoignent  d’une quelconque pensée.

Au renfort de ce soupçon, notons que mon père ne fait jamais référence à lui dans sa traduction du Coran et qu’une première recherche sur Internet ne donne aucune information à son sujet.

Des recherches plus approfondies m’ont fait découvrir des pages stupéfiantes à son encontre. Elles ont pour auteur un père dominicain particulièrement instruit de la religion musulmane, Georges Anawati. Il s’agit du récit de la rencontre à Alger, le 13 mai 1941, entre ce religieux chrétien et Baba-Ameur, déjà mufti d’Alger. Baba Ameur devait avoir un peu plus de 40 ans.

Anawati était venu à Alger en vue d’un travail comparatif portant sur la pensée islamique et la pensée chrétienne. L’intérêt de ce religieux dominicain pour l’Islam n’est pas innocent, même s’il est empreint d’estime et d’amitié. En effet il ne fait de doute pour personne que Anawati faisait partie des prosélytes chrétiens très versés dans la religion musulmane pour la combattre de l’intérieur, en y cherchant des points de convergence relatifs à la filiation divine du Christ, au dogme la trinité et au miracle de l’eucharistie. Ceci, non dans le but d’obtenir des conversions individuelles, mais de faire entrer l’Islam tout entier dans la foi chrétienne.

Conformément aux règles de son ordre, Anawati consignera ses rencontres et ses autres activités, jour après jour, dans une documentation extrêmement précise que constituent ses « DIAIRES » (documents internes à l’église, formant des rapports sur les activités et les pensées profondes de leur auteur).

Ces religieux étaient tenus d’envoyer régulièrement ces écrits à leur hiérarchie, en vue de faciliter le travail de l’église notamment dans la propagation de la foi chrétienne. Pour plus de renseignements sur le sérieux de ces documents, on consultera la page internet :


Incontestablement, Anawati (1905–1994), de formation scientifique élevée (pharmacien et ingénieur chimiste), entré dans les ordres en 1934, érudit authentique de l’Islam et auteur de plusieurs ouvrages de haut niveau sur la théologie musulmane, est un poids lourd du prosélytisme chrétien.

A noter, pour ceux qui  s’intéresseraient à cet auteur, que ses connaissances en chimie et en pharmacie l’ont conduit à écrire quelques livres sur l’alchimie arabe où sont décrites nombres d’expériences reconstituées en laboratoire par ses soins et un autre ouvrage portant sur la pharmacie arabe.


Document5.

(Photo extraite de l’ouvrage ci-dessous mentionné avec les remerciements du rédacteur)

Les documents qui nous intéressent ont été réunis par Dominique Avon, professeur agrégé d’histoire à l’Université du Maine. Il s’agit d’un livre de fort volume (plus de 1000 pages) : « Les Frères prêcheurs en Orient : les Dominicains du Caire (années 1910-1960) », constituant une somme très riche sur l’action l’église en terre musulmane pendant le XXe siècle. L’ouvrage peut être consulté à la bibliothèque Sainte Geneviève et se trouve régulièrement en vente dans les « bonnes librairies ».

S’agissant de notes, nullement destinées au public, on doit considérer ces notes comme parfaitement fiables.

C’est à « l’instigation » de Rouvier, personnage de l’Algérie française œuvrant pour le rapprochement des communautés, qu’Anawati rencontre Mohammed Baba Ameur. Cette rencontre est datée du 13 mai 1941, en un temps où la réputation de Mohammed Baba Ameur était déjà établie et sa situation confirmée en qualité de grand mufti d’Alger.

Selon les notes d’Anawati, il apparait clairement que Baba Ameur tente d’éluder la question en prétextant ne pas disposer d’une documentation qui lui permettrait de répondre. Puis Baba Ameur essaie de dire quelque chose, sans rapport avec l’objet de la rencontre. Il fait de « l’apologétique » en évoquant la rationalité de l’Islam et sa cohérence avec la science. Ce que chaque musulman acquiert dès l’adolescence avec l’apprentissage des premières sourates du Coran et qui renvoie les connaissances du mufti à un niveau populaire.

Enfin, comme pour excuser ses lacunes, Baba Ameur déclare qu’en son foyer, ses enfants sont élevés « à la française » (ce qui signifie implicitement qu’il a tourné le dos à des croyances dépassées).

Honte sur les Ulémas d’Algérie !

Car c’est un religieux chrétien dans ses œuvres qui décèle l’inculture religieuse du grand mufti d’Alger ! Anawati comprend que Baba Ameur, autorité religieuse de premier plan en Algérie française, ne sait pas grand chose de l’Islam. Ses notions du Coran sont approximatives (« il possède plus ou moins surement sa culture coranique »). C’est ce qui plonge le chrétien dans la consternation et lui fait exprimer dans ses écrits tout le mépris qu’un érudit blanchi sous le harnais éprouve devant un savant à la réputation usurpée. Et dans cet emportement, il blâme cruellement tous les Ulémas d’Algérie en opposant leur médiocrité au savoir dispensé par El Azhar.

C’est en ces termes que l’érudit témoigne de l’inculture religieuse de Mohammed Baba Ameur devant la postérité des hommes (ses notes seront gardées par devers lui) et qu’il juge le peuple algérien, à l’image de son interlocuteur, « dégénéré » (sic) dans son entier par la colonisation :



« Mon Dieu…Quelle effroyable décadence ! […] Impression triste ! C’est la fin d’une race ! Il ne reste plus rien. Ce ne sont ni des Français, ni des musulmans, ni des Algériens…Sentiments d’être devant des dégénérés : Ils ont perdu leur « forme », leur caractère spécifique ». 


books.google.fr/books?isbn=2204077313...Dominique Avon - 2005 - Middle East - 1029 pages Et le grand mufti, Baba Ameur, de formation juridique surtout, lui apparaît aux trois quarts occidentalisé '. La rencontre a lieu à l'instigation de Rouvier

Tel est le témoignage découvert dans la documentation laissée par Anawati après sa mort. Il s’agit d’un projet d’une lettre destinée à l’un de ses collègues, le père Demeersemann mais qui n’a jamais été envoyée.

Ce « brouillon » est néanmoins conservé aux archives de l’Institut dominicain d’études orientales dossier « Demeersemann », ce qui prouve toute sa valeur en dépit de sa modeste apparence.

Personnellement, je comprends facilement la reculade d’Anawati. En raison de son statut d’étranger à Alger en période de guerre et du poids politique de Baba Ameur, accru en un temps où la soumission des musulmans devant une France défaite était un souci majeur. Dans ce contexte, ces révélations qui mettent en cause un élément crucial du dispositif colonial, auraient entraîné l’internement de leur auteur ou un rappel à l’ordre extrêmement sévère.   

Tel était Baba Ameur, si veule devant la colonisation qu’il en devint plus dangereux pour sa communauté que la colonisation elle même.

Document 6.

Le caractère souriant révélé par cette photographie d’Anawati et par celle qui la précède (Document 5.) ne peut qu’accentuerr la sévérité de son témoignage… (Photo extraite de l’ouvrage cité avec les remerciements du rédacteur)



Document 7.


Ces diaires font également état de rencontres entre Hamza Boubakeur et Anawati.




Document 8.


Document 9.

books.google.fr/books?isbn=2204077313...Dominique Avon - 2005 - Middle East - 1029 pages leur dernière rencontre, Boubakeur est révoqué ' au motif qu'il est resté six ... La relation entre Anawati et Boubakeur ne connaît pas de prolongement page 422. ...

Dans ses écrits, Anawati fait également état de plusieurs rencontres avec Hamza Boubakeur, personnalité montante de l’Algérie de cette époque. Il donne des précisions sur sa maison d’Alger (notamment le  « salon oriental » dans lequel j’ai dormi tant de fois jusqu’à l’âge de 10 ans, ce qui marque ses déclarations du sceau de la vérité).  

Ces notes m’ont sidéré par la profondeur et l’exactitude de leurs analyses. Elles m’ont fait découvrir mon propre père sous un aspect que je n’aurais jamais osé imaginer et sur lequel, bien entendu, je reviendrai en ces lignes.

Le dominicain mentionne le nom de certains professeurs de la faculté d’Alger, Marius Canard et Henri Pérès, quelque peu oubliés aujourd’hui sauf des spécialistes. Mon père dans ses souvenirs d’enseignant ne manquait pas de rappeler les conversations qu’ils avaient eues avec eux, notamment pour l’organisation des concours et des examens.

Paradoxalement, Anawati donne les renseignements les plus précis que j’ai pu lire sur la révocation de mon père de la fonction publique en 1942 pour « activités maçonniques » et surtout sur sa réintégration qui eut lieu 6 mois plus tard, ce que j’ignorais.

En effet, mon père laissait croire que sa révocation avait duré toute la guerre.

Anawati donne aussi des renseignements précis sur sa présence à la radio d’Alger en 1942. Mon père laissait croire qu’il avait trouvé cet emploi pour gagner sa vie après sa révocation de la fonction publique. Anawati rapporte au contraire qu’il y fut détaché en qualité de fonctionnaire après qu’il eut été réintégré dans ses fonctions. Ce qui est tout à fait différent.

Anawati donne des détails extrêmement graves et que j’ignorais totalement : il révèle qu’en cette période, l’inclination de mon père pour le christianisme était telle qu’il possédait des objets de culte propre à cette religion.

Jamais je n’avais osé m’avouer une inclination aussi condamnable, quand bien même son comportement devant le clergé catholique jetait en mon esprit les troubles les plus grands.

On consultera utilement le lien suivant pour se convaincre de la valeur des avis de G ; Anawati sur le mufti qui nous intéresse et sur mon père.

(Père Georges Chehata Anawati (1905-1994) : Claude Gilliot   lienRevue du monde musulman et de la Méditerranée  lien   Année   1993   lienVolume   68   lienNuméro   68-69  pp. 279-288 )

Comment doit-on juger les problèmes de conscience les plus secrets de Hamza Boubakeur qu’Anawati a transmis aux autorités catholiques ? Que penser de ces tourments spirituels ?

De cette fascination, hier, habilement dissimulée par mon père devant le christianisme et de cette autre fascination, aujourd’hui, stupidement étalée par son fils aîné devant le judaïsme ?

En ce qui me concerne, n’ayant jamais ressenti d’attirance pour une religion autre que celle reçue à ma naissance, ces hésitations intellectuelles ne m’émeuvent en rien. Pour le moins que je puisse dire.

La dédicace.

Document 10.

Pour honorer la mémoire de Baba Ameur, mon père a tenté de faire passer Baba Ameur pour un savant de la foi, notamment dans une dédicace appuyée de sa traduction du coran, faisant état « d’éclaircissements théologiques » entre eux. Paradoxalement le nom de Baba Ameur n’est cité nulle part dans les commentaires figurant dans cet ouvrage, pas plus que dans son index onomastique et encore moins dans son index des auteurs.
Remarquons que mon père était coutumier de ce type d’appréciation qu’il décernait à qui en avait besoin.

Le chef de service à l’hôpital parisien de la Salpétrière.

On notera par exemple qu’il affirmera que son fils ainé était chef de service à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière sans jamais n’y avoir fait rien d’autre que des vacations du temps où il était médecin généraliste d’un quartier du 13e arrondissement de Paris. Quand on sait le prestige accordé en France aux praticiens chefs de service dans les hôpitaux de l’Assistance publique à Paris, il s’agit d’une inexactitude délibérée. Et la marque d’une espérance déçue dans un domaine probablement situé au delà des possibilités intellectuelles de l’intéressé.


(On remarquera que sur ce document énumérant la parenté de mon père, je ne figure pas. Lorsque ces lignes furent écrites, en 1992, je m’étais éloigné de lui depuis déjà 10 ans. En effet, l’âge l’ayant desséché sur ses travers  et après avoir fait de son foyer un enfer sa vie durant, mon père s’était mis en devoir de semer le trouble en ma maison, au seul motif que je refusais de compter parmi les êtres qui lui étaient soumis et d’être mêlé à ses affaires).

Document 9.

Un des renseignements transmis.

Je produis ici la copie d’une lettre écrite de la main de Hamza Boubakeur adressée à son ministre Roger Frey, lorsqu’il reçut l’assignation présentée par l’association « Boutaleb »devant le tribunal de Grande Instance de Paris en vue de l’expulser.

Mon père simule la surprise dans son courrier. Dans la réalité il s’était préparé depuis plusieurs mois à cette assignation pour en avoir été prévenu au plus tôt. Car cette lettre n’a été écrite que pour informer le ministre de l’intérieur et de la police que la mosquée de Paris abrite « sa famille » soit 60 personnes des Ouleds Sidi Cheikh « fidèles à la France ».

Cette évacuation d’Algérie avait été réalisée par l’armée française encore présente au Sahara en mai 1964 à la demande de mon père. En réalité, ces personnes étaient au nombre d’une quarantaine et non pas 60 comme il l’affirme. La présence à la mosquée de Paris de ces réfugiés sahariens « fidèles à la France » rendait impossible toute expulsion de mon père par la police dont Roger Frey était le ministre.


Document 11.

Toutes ces personnes avaient été installées fort opportunément en juin 1964 après que mon père nous ait inscrits, mes sœurs et moi, dans des lycées de Fontainebleau sans raison apparente.

Sauf que notre départ de son logement de fonction rendait disponible son hôtel directorial de 450 pour accueillir ce monde.

Cette affaire, préparée de longue date avec les démarches extraordinaires qu’elles nécessitaient (implication de l’armée française et de ses avions) concernait des personnes dont la situation était stabilisée en Algérie (ils ont pu « s’enfuir » sans difficulté et sans que cela ne dérange personne). Elle a eu pour résultat objectif celui de rendre impossible l’exécution d’une demande d’expulsion que mon père attendait et elle ne peut s’expliquer que par la transmission de renseignements très sûrs concernant l’action judiciaire en demande d’expulsion qui se préparait contre lui.
  
Document12.

Les soupçons les plus forts pèsent sur Mohammed Baba Ameur pour avoir prévenu Hamza Boubakeur de ce qui se préparait à Alger. En sa qualité d’ancien acolyte à la mosquée de Paris, il avait un mobile de le faire, pour avoir été maltraité et humilié par les autorités algériennes puis enrôlé de force dans ladite association « Boutaleb », tous les autres membres comptant parmi les ennemis jurés de Hamza Boubakeur (exemple le parfumeur Zouaï).

Les Ouleds Sidi Cheikh réfugiés à la mosquée de Paris y restèrent pendant environ un an, jusqu’à ce que des logements leur furent attribués à Montereau-Surville, le temps que les juges du Tribunal de Grande Instance se saisissent pleinement de l’affaire et que le gouvernement Français ne puisse plus s’immiscer dans leur travail.

Ici se situe, à mon avis, un des motifs de la dédicace appuyée de Hamza Boubakeur dans sa traduction du coran, à un homme qui fut pour lui une antenne très utile dans le camp de ses ennemis. Hommage rendu à la duplicité du vieux Baba Ameur bien plus qu’à ses connaissances théologiques. Celles-ci ayant été dramatiquement démenties par un chrétien prosélyte dont la redoutable érudition en Islam est mondialement reconnue. Et qui, de surcroit, venait des bords politiques défendus par Hamza Boubakeur et Baba Ameur...

Les amitiés israéliennes :

Nous avons vu comment en 1965, Hamza Boubakeur avait consolidé ses succès judiciaires non seulement à la mosquée mais aussi à Alger avec la présence d’un indicateur au sein même du dispositif judiciaire algérien qui l’attaquait.

Ne laissant rien au hasard, il se mit en devoir de s’assurer le soutien du rabinât de France. De simples échanges d’idées eurent lieu d’abord. Puis une amitié certaine se fit jour avec Meyer Jaïs, grand rabbin de Paris et d’autres personnalités juives dont j’ai oublié le nom à part celui d’un homme appelé « Monsieur Chouraki ».

C’est ainsi qu’en septembre 1965, prétextant un voyage au Liban, il disparut plusieurs jours sans donner de ses nouvelles. A son retour, il nous informa, en raison du grand nombre de cadeaux qui lui avaient été offerts, qu’il s’était rendu secrètement en visite officielle en Israël.

Selon ses dires, il avait été reçu avec les honneurs dus à un chef d’état. Son passage hors de France et sa place dans l’avion (probablement de la compagnie El Al) avaient été assurés sous un nom d’emprunt. Ce voyage se déroula au début du mois de septembre 1965. Je m’en souviens parfaitement car il eut lieu quelques jours après que j’aie obtenu mon permis de conduire.

Ainsi fut conclue une amitié très secrète et très forte entre Hamza Boubakeur et les autorités religieuses juives de France qui voyaient ainsi en la mosquée de Paris un bastion aussi sûr qu’avancé du sionisme en France. Cette amitié ne s’est jamais démentie – même après le départ de Hamza Boubakeur de la mosquée de Paris en 1982 et semble aujourd’hui une des orientations cardinales de cet établissement.

Aussi suis-je absolument certain que les allégations du film « Ensemble » dernièrement sorti, n’ont pas le moindre fondement concernant la volonté de Abdelkader Ben Ghabrit de sauver des juifs sous l’occupation allemande, même au niveau d’une simple éventualité. S’il en était autrement, cette vérité aurait été obligatoirement abordée lors de ce voyage en Israël. Et plus certainement encore, après son retour. En raison des survivants qu’il aurait été facile de retrouver et du profit qu’en auraient tiré en termes politiques, aussi bien Hamza Boubakeur que le rabinât de France.

En réalité seul le dénommé Salim Halali a été sauvé par un certificat d’appartenance à la religion musulmane, non pas à cause de sa judéité mais en raison de son métier, « cabaretier », pour lequel, nous l’avons démontré, son sauveur, Abdelkader Ben Ghabrit, portait le plus grand intérêt.

EXCENTRICITES.

En 1965, ses défenses partout renforcées, Hamza Boubakeur oublia ses devoirs de réserve à l’égard de l’Etat. Il se comportait comme s’il régnait sur un lieu en exterritorialité et dans cette excitation, s’abandonna à des extravagances auxquelles son caractère le prédisposait.

L’affront à Hassan II.

En janvier 1966, pour régler un vieux compte avec Hassan II, il laissa dehors l’ambassadeur du Maroc accompagné de centaines de personnes venues prier pour commémorer la mort de Mohammed V. Mon père expliqua qu’il s’agissait d’une prière spectacle destinée à faire diversion avec l’affaire Ben Barka et que la salle des prières de la mosquée de Paris n’était pas un lieu prévu pour les opérations de publicité. Dans ce raisonnement, il laissa donc dehors l’ambassadeur du Maroc et toute sa troupe.

Cet affront mettait en cause autant les intérêts diplomatiques français que marocains, à l’évidence complices dans l’assassinat de Ben Barka. Il ne fut guère apprécié par la présidence de la république. Papon en fait état dans la lettre reproduite en fin d’article, un an après les faits, ce qui démontre que ce fut un incident majeur.

Le projet d’une réunion des ambassadeurs des pays musulmans à la mosquée de Paris

Hamza Boubakeur eut aussi l’idée de réunir à la mosquée de Paris l’ensemble des ambassadeurs des pays musulmans accrédités auprès du gouvernement français pour les entretenir de questions regardant la mosquée de Paris. N’étant pas au fait des pratiques diplomatiques, cette réunion me semblait seulement bizarre. Mais je compris que mon père avait perdu tout sens commun quand il insistait pour que l’ambassadeur de Chine communiste soit invité à cette réunion alors que le pays dans son entier se trouvait agité par sa Révolution culturelle. Hamza Boubakeur soutenait que la présence de populations musulmanes en Chine communiste et athée, prévalait sur sa situation intérieure.

Le gouvernement Français s’opposa vivement au principe même de ce rassemblement qui fut annulé dans l’urgence.

Verdun.

La même année, les Renseignement Généraux signalaient la présence de Younès El Bahri dans la délégation de la mosquée de Paris à la commémoration du cinquantenaire de la bataille de Verdun durant laquelle le Général De Gaulle devait prononcer un discours d’importance historique portant sur le Maréchal Pétain. Or Younès El Bahri était un ancien responsable des émissions allemandes à destination des pays arabes pendant la seconde guerre mondiale et à ce titre interdit de séjour en France. Circonstance des plus aggravantes, Younès Bahri devait prononcer une allocution au nom de la mosquée de Paris lors de ces cérémonies (Document 13).

La présence de Younès El Bahri à la mosquée de Paris est au premier abord inexplicable. Mon père était tout à fait au courant de son passé mais il se souvenait aussi de ses discours lancés a travers les ondes en 1940.

Il est vrai que la défaite de la France avait réjouit tous les cœurs algériens, y compris les plus favorables à la France, en raison du véritable apartheid qui y régnait. Mon père racontait qu’après le discours de Pétain de mai 1940, tous les musulmans d’Algérie, unis dans une même joie se souhaitaient la bonne fête comme à une fin de ramadan.

Younès El Bahri attisait cette joie par ses discours à la fois enflammés et moqueurs. Pour glorifier l’évacuation des troupes anglaises à Dunkerque, présentée comme un succès par les anglais, il avait recommandé à Churchill de créer une médaille spéciale qui s’accrocherait au dos….

Sa présence à la mosquée n’était tolérée qu’en raison de ses compétences polyglottes que mon père avait fait valoir. Le document 13 prouve qu’il était surveillé de très près.

J’ai côtoyé Younès El Bahri en 1966 et 1967. Sa voix grave et profonde, presque sépulcrale, prenait un relief extraordinaire dans les hauts parleurs.  

Il m’a laissé l’impression d’un personnage de valeur en littérature arabe. Selon ses dires, ses émissions avaient pour but de dissuader les musulmans de s’enrôler dans les armées reconstituées par la France gaulliste. Il regrettait de s’être compromis aux yeux du monde pour si peu de résultats car les musulmans furent innombrables à verser leur sang pour la France quand beaucoup de ses nationaux se trouvaient plus intéressés par autre chose que la défense de leur terre, les armes à la main.

En réalité, Younès El Bahri n’était mû par aucune idée. Ce n’était rien d’autre qu’un mercenaire de la parole, proposant ses talents oratoires à qui en voudrait dans égard pour les conséquences de ses dires. Un voyou de la politique. Surtout après 1945, quand il fut interdit de séjour dans la plupart des pays du monde. Pays arabes compris, pour avoir proposé ses services à Israël….

La misère l’avait fait sombrer dans l’alcoolisme, raison pour laquelle il fut très violemment chassé de la mosquée pour s’y être présenté en état d’ébriété.  


Document 13.


Le millénaire du Mont Saint Michel.

Ajoutons enfin le spectacle donné par Hamza Boubakeur au millénaire du Mont Saint Michel en djellabah et gannour dans la plus pure tradition des laquais de la chrétienté et qui aujourd’hui me choque encore.

Il y était allé dans sa DS « mécanique » immatriculée 2133 RG 75 (c’était une DS à vocation sportive, car il appréciait, comme son fils aîné, les voitures au tempérament marqué). Il était dans un état d’excitation caractérielle plus grave que d’habitude.  

J’étais stupéfait de le voir se précipiter, dans un état véritablement second, vers cette manifestation exclusivement chrétienne et qui ne regardait aucunement l’Islam.

Mon incompréhension était d’autant plus grande qu’il s’était dispensé, 5 mois plus tôt, de se rendre aux cérémonies du cinquantenaire de la bataille de Verdun, présidées par le Général De Gaulle et qui faisait indiscutablement partie du travail pour lequel il était payé.  

J’entendais à la radio les commentateurs se moquer de sa présence en cette manifestation catholique. Mais lui était là, tel un amuseur public, ramenant sa philosophie dans des controverses  religieuses exclusivement chrétiennes. Avec ces prélats, il débattait de questions où « le néant est dynamique ». En vêtements arabes, il allait de soutane en soutane présentant ses respects aux uns, aux autres, au risque de les proposer à quelque pédophile en housse, pressé de retrouver les attouchements qu’il avait délaissés.

Il me faisait honte mais lui était rempli de joie et de fierté. Je savais combien il était fasciné par le clergé catholique mais jamais je ne l’ai vu aussi blâmable et aussi excité dans des reniements qu’un même sang m’empêchait de reconnaître.

LE PETIT CHRETIEN.

Ce sont les notes d’Anawati qui m’ont véritablement ouvert les yeux. Elles révèlent la grande inclination de mon père pour la religion chrétienne, qu’il avait « l’imitation de Jésus Christ », pour livre de chevet et une représentation du « sacré cœur » à sa portée (page 422 note 4 : diaire anawati septembre-décembre 1942). Tel était le fil directeur de son existence.

books.google.fr/books?isbn=2204077313...Dominique Avon - 2005 - Middle East - 1029 pages leur dernière rencontre, Boubakeur est révoqué ' au motif qu'il est resté six ... La relation entre Anawati et Boubakeur ne connaît pas de prolongement page 422. ...

J’ai interrogé les meilleurs des Ouleds Sidi Cheikh sur l’attirance de mon père pour la religion chrétienne. Ils me l’ont confirmée sans hésitation dans les termes d’Anawati. En particulier qu’elle était une des raisons de la méfiance des siens à son égard. Deux d’entre eux me rapportant que dans la mémoire collective des la tribu, était gardé le souvenir de mon grand père paternel qui s’était aperçu de cette déviance, qu’elle lui déplaisait au plus haut point et qu’il avait surnommé son fils « le petit chrétien ».

Ainsi se terminent les deux premières parties de cet article. Nos lecteurs voudront bien méditer sur la lettre signée Papon qui suit immédiatement ces lignes.

On remarquera à la fin de ce courrier la trace de son tampon personnel et la faute de grammaire commise dans les quelques mots manuscrits. Il s’agit vraisemblablement d’un lapsus freudien, car Papon n’imagine pas un instant que le conditionnel puisse s’employer dans ses propos, tant son droit de regard sur la désignation du recteur de la mosquée lui parait évident et une réponse négative à sa demande, totalement exclue.


Document 14.
                                                                                          

4 commentaires:

nour a dit…

Cet article est une mine d'or.

Je suis extrêmement reconnaissante envers son auteur pour un écrit aussi consciencieux et de ce calibre.

Jazak Allahu Kheiran

Anonyme a dit…

C'est surtout un ramassis de mensonges...éditer par un homme frustré avec un gros problème psychologique et une grande rancœur...comme c'est triste de voir un personnage comme le mufti Baba ameur être calomnié de la sorte, en témoignent ces quelques lignes rédigées par l'auteur au sujet de la femme du mufti, parler de son problème de poids??? montre à quel point cet article est vide et dénué d'intelligence.

nour a dit…

C’est peut-être ce que l’on peut dire lorsque l’on a un parti pris et que l’argument s’adapte à l’opinion. Moi qui n’ai à priori pas de parti pris, j’avance à la lecture de cet article vers la seule conclusion que l’on puisse décemment atteindre : monsieur Baba Ameur n’avait strictement rien d’un mufti !

Je ne me permettrais jamais de porter un jugement aussi frivole que calomniateur sur l’auteur avec des mots de poids tels que des « problèmes psychologiques ». Se défaire d’une conviction que l’on a tenu pendant très longtemps n’est certes pas chose facile, mais la quête de la brutale vérité doit l’emporter sur tout, n’en conviendrez-vous pas ?

Au vu de la vidéo de l’INA et des nombreux documents sources fournis par un minutieux travail de recherche pour le moins pourvu d’une intelligence fine, il est au loisir du lecteur de vérifier point par point l’avancée de la narration de son auteur.

Au-delà des petits sentiments personnels, Madame, Monsieur Anonyme, un enjeu se profile dépassant ces affaires-là de très loin, et qui pour moi est crucial et d’un intérêt conséquent pour chaque musulman -c’est la compréhension des enjeux autour de l’institution qu’est la « Mosquée » de Paris à la lumière de son histoire.

Anonyme a dit…

Vous parlez d'un travail minutieux et une recherche plus ou moins pourvu d'intelligence fine ?

Je vous invite à taper le nom de mufti baba ameur sur google,….ce que vous obtenez ?
1-la vidéo des archives INA dans laquelle on ne voit même pas le grand mufti.
2- un texte du prêtre Anawati (l'avis d'un seul homme) et encore l'autre boubakeur a quelque peu déformé les dires du prêtre, le texte est là vous pouvez le lire vous même.
Je vous invite aussi à faire vos propres recherches, taper le nom de baba-ameur en arabe باباعمر et faites vous votre propre idée, non pas celle d'une personne qui avait à peine 10 ans lorsqu’elle a côtoyé le grand mufti à la grande.
A la lecture de votre article, j’ai eu une impression d’un petit enfant se plaignant de ne plus avoir les privilèges de la grande mosquée de paris ne pas avoir de cadeaux et autres….
Je ne vois que des attaques personnelles à l'encontre de la famille baba ameur jusqu’ à parler de sa femme (Allah yerhamhoum), aucune recherche sérieuse n'a été faite.
J’ai fait des recherches rapides sur le nom des baba ameur voila le résultat :
-Une bibliographie en arabe http://www.malikia.net/biography_texte.php?num_bio=18
-Un article qui parle du démantèlement d’une « cellule terroriste » du fils Sid Ali du mufti,
Le mufti lui-même qui ouvrait les portes de son bureau de la mosquée pour cacher armes et médicaments.
Une lettre ouverte qu’il a écrite au gouvernement français pour ouvrir les négociations avec le FLN
Pour les personnes qui liront cet article, faites vos propres recherches, on ne peut avoir une bonne opinion qu’en ayant tout les éléments en main, alors je n’ai plus qu’une seule chose à dire : Lisez !
Allah yerham nos morts.